Qui fait la langue ?
Tandis que certaines personnes préconisent une liberté dans l’utilisation du langage inclusif, ou appellent à prioriser ou investir certains domaines d’application, d’autres souhaitent interdire tout ou en partie les pratiques de l’inclusif.
Nous verrons ici les enjeux qui sous-tendent la question de la légitimité d'intervenir sur la langue. Quelle histoire est mobilisée par les protagonistes de la controverse ? Qui peut décider de son domaine d’application, de sa modification ? Qui possède la légitimité pour imposer une telle évolution, pour dicter les normes ? L'usage fait-il autorité ?
Quelle histoire ?
En fonction de leurs expertises et leurs positions, les différentes personnes liées au sujet de l’écriture inclusive mobilisent une histoire différente, des moments-clés afin de contextualiser leur démarche et exprimer une certaine légitimité.
Qui se fait historien de la langue ? Quelle histoire est invoquée selon les domaines d’expertise et les positions ?
Selon l’histoire de la langue française retracée par Daniel Elmiger, il existait en latin trois genres grammaticaux (masculin, féminin et neutre), dont dérive le français. La grande ressemblance entre le masculin (-us à la 2e déclinaison) et le neutre (-um à la 2e déclinaison) les a fait se rapprocher puis se confondre à la suite de la chute phonétique de la consonne finale dès la fin de l'Antiquité.
Au Moyen Âge, cette évolution a créé un système à deux genres grammaticaux, que l’on désigne parfois par les expressions « genre non marqué » (masculin, parfois appelé aussi « masculin générique ») et « genre marqué » (féminin). À cette époque cependant, la langue n'était pas fixée par un code et une autorité, mais était soumise aux variations de très nombreux dialectes et patois, si bien qu'il est difficile d'y déceler des tendances générales. C'est avant tout la liberté des auteurs qui caractérise l’époque.
À partir du XVIIe siècle, avec l'agrandissement du royaume, il devient nécessaire d'unifier le territoire français par la langue, afin de pouvoir transmettre des règles administratives. Les grammairiens entreprennent donc de réformer la langue pour la codifier. L'Académie française, fondée par Richelieu en 1635, devient la gardienne des règles édictées dans le domaine du langage. L'utilisation du masculin pour exprimer les deux genres ne représente qu'une partie des nouvelles règles imposées, et ne fait pas consensus. L’idée d’une hiérarchie de genre évoquée par Claude Favre de Vaugelas ne fut pas unanimement acceptée, et les raisons données parurent injustifiées. Vaugelas note lui-même la résistance des femmes de la Cour à cette masculinisation et propose de se soumettre à l'usage :
« le genre masculin étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble, mais l’oreille a de la peine à s’y accommoder, parce qu’elle n’a point accoutumé de l’ouïr dire de cette façon ».
« Néanmoins, puisque toutes les femmes aux lieux où l’on parle bien, disent, la, et non pas, le, peut-être que l’usage l’emportera sur la raison, et que ce ne sera plus une faute ».
Claude Favre de Vaugelas, « Remarques sur la langue françoise,
utiles à ceux qui veulent bien parler et bien escrire »,
Edition Vve J. Camusat et P. Le Petit (Paris), 1647
Éliane Viennot, historienne de la langue, explique que la langue a été historiquement masculinisée au XVIIe siècle, c’est-à-dire que ses composantes féminines ainsi que l’accord de proximité ont été écartés et effacés volontairement, dans l’objectif de maintenir une domination masculine. Professeure émérite de littérature de la Renaissance, elle retrace dans plusieurs de ses ouvrages (Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin et Le langage inclusif pourquoi, comment ?), l’histoire de la langue, ses modifications et les débats qu’elle a provoqués. Elle explique que la controverse autour de l’écriture inclusive est ancienne et qu’elle perdure.
Selon elle, c’est donc au XVIIe siècle que la langue française a connu de nombreuses réformes. Plusieurs d’entre elles étaient liées aux besoins de l’imprimerie et certaines allaient parfois à l’encontre des règles du langage établies et des habitudes des élites lettrées. Selon Éliane Viennot, la création même de l’Académie française, qu’elle désigne comme une « police de la langue », a entraîné de vifs débats autour de sa légitimité et de sa démarche. En effet, l’Académie est constituée de personnalités influentes du monde de la littérature française et non d'experts de la langue : grammairiens ou linguistes par exemple.
Éliane Viennot, mais aussi le psycholinguiste Pascal Gygax, appellent à démasculiniser la langue, et non à la féminiser, nous l'avons vu dans la partie Quelles inclusivités ?. Ces deux acteurs de la controverse mobilisent une histoire identique, et inscrivant leur position une démarche de réhabilitation. En effet, avant les réformes du XVIIe siècle, la langue comportait de nombreux mots féminins dont on retrouve des traces dès le XIIIe siècle. Le guide Femme j’écris ton nom (Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions) expose une liste de métiers féminins dont les terminaisons relevaient de règles déterminées :
« De la fin du Moyen-Âge aux premières décennies du XXe siècle, l’Europe et en particulier la France ont été le théâtre d’une gigantesque polémique sur la place et le rôle des femmes dans la société. »
Éliane Viennot, « Querelle des femmes », site web personnel.
« Ces polémiques ont eu lieu parce que cette institution s'est immédiatement illustrée par un interventionnisme à la fois infondé linguistiquement et orienter idéologiquement, puis qu'elle s'est installée dans un conservatisme de plus en plus rigide, et enfin qu'elle s'est mise à dériver — alors que la linguistique naissait comme science — vers l’incompétence notoire qui la caractérise de plus plus d'un siècle. »
Éliane Viennot, Le langage inclusif pourquoi, comment ?,
Edition iXe, 2018.
« — à partir des masculins suffixés en -ier, -eor (-eur), -teur, -ien, des féminins en -iere, -eresse, -trice, -ienne (cuisinier/cuisiniere ; estuveor/estuveresse ; auctor/auctrice ; fusicien/fusicienne),
— à partir de masculins non suffixés : des féminins portant la marque spécifique du féminin -e (marchand/marchande), des féminins formés à l’aide du suffixe féminin -esse (moine/moinesse). »
Femme j’écris ton nom (Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions) produit par le CNRS et l’Institut de la langue française, 1999.
Aujourd’hui, ces traces d’utilisation de féminisation ou de neutre dans l’histoire de la langue constituent des arguments que de nombreuses personnes liées à l’écriture inclusive invoquent lorsque leur sont reprochés des usages qui existaient mais qui sont passés dans l’oubli. En ce sens, Éliane Viennot a choisi d’utiliser à nouveau les mots « autrice », « poétesse », « professeuse » et « philosophesse ». De la même manière, Alpheratz reprend le pronom neutre « al » qui existait entre le IXe et le XVe siècle en ancien français.
Cependant, certains linguistes critiquent la pertinence de cet argument. Les 33 signataires de la Tribune, publiée dans Marianne affirment que l’argument selon lequel la langue a été masculinisée par un groupe de grammairiens ne tient pas car ce sont les locuteurs qui déterminent le langage et son usage et en aucun cas les recommandations institutionnelles. Pour ce qui est de la règle d’accord dite « le masculin l’emporte sur le féminin », les signataires appellent à la vigilance à propos de cette « formulation rare » qui n'apparaît « dans aucun manuel contemporain, ni même chez Bescherelle en 1835 ».
Daniel Elmiger estime que, même si la question de l’histoire de la langue est intéressante, le « débat ne devrait pas être conditionné par des considérations diachroniques » mais qu’au contraire, les préoccupations devraient être davantage centrées sur les interprétations actuelles des formes masculines.
« L’écriture inclusive propose des formulations plus représentatives que celles où le masculin a été imposé comme forme neutre, générique, s'inscrivant dans une histoire du langage patriarcale et exclusive que nous héritons du XVIIe siècle, combiné à une langue française très genrée. »
Collective Bye Bye Binary, site web
Quelles autorités ?
Quelle autorité pour intervenir sur les règles de la langue ? Qui peut décider de sa modification et qui a la légitimité de cette évolution ? Selon les approches de la controverse, les protagonistes accordent une légitimité, ou non, à une autorité donnée.
L’autorité de l’Académie française
L’Académie française occupe une place particulière dans cette controverse. Citée par les uns comme une institution qui fait autorité, elle est pourtant dénoncée par d'autres pour son illégitimité à se positionner sur l'écriture inclusive et, plus généralement, en matière de linguistique.
L’Académie française se présente comme une institution objective.
La crédibilité de l’institution tient à la réputation de ses membres, appelés les « immortels », qui est elle-même garantie par la notoriété d’autres institutions auxquelles ces membres appartiennent. Cette mise en réseau des immortels, tous liés les uns aux autres, garantit le sérieux de l’institution et des rapports qu’elle publie. Sous la coupole de l'Académie, on trouve par ailleurs une grande diversité des professions mobilisant des savoir-faire variés : écrivains, avocats, historiens, professeurs, entre autres.
Le 26 octobre 2017, l'Académie française déclare s'opposer à l'écriture inclusive. Elle considère que cette pratique « prétend s'imposer comme norme » et met en garde contre ces formes dites « secondes et altérées » qui rendent moins praticable la transmission de l'écrit pour les générations futures.
Deux ans plus tard, l’Académie française publie le Rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions (2019) dans lequel elle estime qu’il n’y a « aucun obstacle de principe » à la féminisation des noms de métiers qui est une des pratiques de l'écriture inclusive. En proposant des recommandations théoriques, en recensant les difficultés rencontrées, voire les résistances de l’usage, ce court rapport s'oppose de fait aux positions précédentes de l'Académie qui, jusqu'alors, s'était toujours opposée à la féminisation des titres. Dans le rapport, l'Académie situe même la pratique dans l’histoire de l’évolution naturelle du langage, depuis le Moyen-Âge, et indique que cette pratique est légitime au regard des mutations de la société. Nous verrons que ce changement d'approche est dû à une intervention externe, celle de l'État.
L'Académie française n'est pas une instance normative, elle n'a pas vocation à édicter les règles. Son rôle est limité à la validation des usages. Il n'est donc question ni de prendre position ni de légiférer en matière de règle linguistique. En effet, l'Académie se positionne en tant qu’observatrice et non en tant que créatrice de la langue, pour laisser cette responsabilité aux usagers, « c’est l’usage qui prime, c’est lui qui a raison » rappelle le linguiste et lexicographe Alain Rey pour Le Monde.
Dans sa déclaration contre l'écriture inclusive de 2017, l'Académie convient être « sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier ». Certains acteurs de la controverse estiment que cette approche est autoritaire et qu'elle nie la diversité qui est propre à notre manière de parler et d'écrire. En dictant le « bon usage » et en hiérarchisant les pratiques, l'Académie défend, selon certains linguistes, une vision normative, ou prescriptive, du langage (nous reviendrons sur ce point ultérieurement).
Le manque d'autorité de l'Académie sur la langue a par ailleurs été décrié à maintes reprises, par exemple lors de la publication en 1930 de l'édition de la Grammaire de l'Académie française qui, rapidement décriée et désavouée, n'a pas été renouvelée. Parmi les critiques, on trouve entre autres l'opacité de la gestion des finances de l'Académie ou encore la contestation des modes de nomination occulte, qui participent au conservatisme de l'institution et permettent à des personnalités politiques de l'intégrer. Selon certains protagonistes de la controverse, l'absence de linguistes créerait un déficit de légitimité en compétence linguistique et en représentativité de ce savoir-faire. Il s'agit d'ailleurs d'une critique récurrente. La docteure en linguistique française Maria Candea juge à ce titre que l'Académie est une institution essentiellement politique qui jouit par ailleurs d'un pouvoir politique « abusif ». En outre, elle met le doigt sur la propension de l'Académie à s'attacher à une critique esthétique. Par exemple, Érik Orsenna a rejeté l'usage du mot «écrivaine» dans la mesure où celui-ci était composé du mot « vaine ».
Ainsi, l’Académie française entretient avec une autre figure d'autorité, l’État, qui est intervenu à de maintes reprises dans les décisions de l'Académie française, une relation d'influence réciproque. À ce titre, le Rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions est le fruit d’une demande implicite du premier président de la Cour de Cassation dans une lettre de 2017. Il a dit vouloir que l’Académie française « cesse de promouvoir des formes contraires aux circulaires émises depuis une trentaine d'années par le pouvoir ».
Le français, langue de l’administration
La question de la féminisation des noms de métier, fonctions, grade et titre dans les textes réglementaires et dans tous les documents officiels des administrations fait aujourd’hui consensus. La féminisation des titres, dans l'histoire récente, apparaît dans le Journal officiel depuis la nomination de nombreuses ministres femmes dans le gouvernement Jospin de 1997. Elle est d'ailleurs entérinée par la circulaire relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes du 21 novembre 2017 qui, portée par Édouard Philippe alors Premier ministre, valorise l'usage de la féminisation des titres et fonctions dans les publications du Journal officiel. Cette même circulaire demandait par souci d'intelligibilité, à ne pas recourir au point médian et plus généralement, à toutes les «pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer l’emploi du masculin [générique] ».
Ainsi, l'écriture inclusive est aussi une affaire politique. Il y a peu, la proposition de loi du 23 février 2021, portée par le député François Jolivet, vise à interdire l’usage de l’écriture inclusive pour les personnes morales en charge d’une mission de service public. La proposition de loi déposée un mois plus tard, le 23 mars 2021 va plus loin et vise non plus seulement à interdire, mais à pénaliser son usage par tous les organismes bénéficiant de subventions publiques, qu’ils soient publics ou privés. Si la première proposition de loi a eu un écho médiatique important, il convient de constater que le terrain d’application reste strictement limité au cadre administratif, s’inscrivant sans doute dans un historique de la langue de l'administration : avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), encore en vigueur, le français est devenu la langue officielle du droit et de l'administration, en lieu et place du latin qui était jusqu'alors utilisé.
L'État, bien qu'il ne les constitue pas, transmet les règles linguistiques et s’en fait le vecteur normatif. Parmi les acteurs étatiques, certaines institutions ont vocation à influencer les usages : la Commission de terminologie, les Ministères de l'Éducation nationale et de la Culture, la la DGLFLF (Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France ) ou encore le HCE (Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes). D'ailleurs, la politique linguistique ne relève pas des missions de l'Académie française, nous l'avons vu, il s'agit du rôle de la DGLFLF. Cette institution à vocation interministérielle et directement rattachée au ministre chargé de la culture, crée des mots lorsqu'il y a des besoins, par exemple lors de l'apparition de nouvelles technologies.
L’État est une figure d’autorité dès lors qu’il assure l'organisation et le fonctionnement de l'éducation et de l'apprentissage de la langue.
La naissance de la controverse médiatique est liée à la publication d'un manuel scolaire de niveau CE2 Questionner le monde au sein duquel figure des points médians : « L’auteur et l’éditeur ont donc fait le choix d’une utilisation raisonnée de l’écriture inclusive limitée aux noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions ».
Le débat était particulièrement centré sur la légitimité d’une telle écriture, d’une part décidée sans l’accord du gouvernement, et d’autre part causant des problèmes de lisibilité et d’apprentissage. En réponse, la maison d’édition publie une « mise au point » dans laquelle elle explique avoir fait une « utilisation raisonnée » de l'écriture inclusive dans un manuel d’histoire-géographie qui n’avait donc pas pour objectif d’enseigner la lecture ou le français. Hatier, en réponse à la polémique, fait aussi appel au guide du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes comme référentiel d'autorité. Créé en 2013, le HCE est une instance consultative et indépendante, qui formule des recommandations et propose des réformes de politiques d’égalité femmes-hommes au Premier ministre. En 2015, le HCE publie un guide pratique à destination des pouvoirs publics qui vise à conseiller l’usage de l’écriture inclusive et épicène dans les politiques publiques afin de lutter contre les inégalités de genre.
Le ministère de l'Éducation Nationale est aussi partie prenante de la controverse. La professeure d'histoire-géographie Sophie Le Callennec, qui est l'auteur du manuel Hatier, explique sur ses réseaux sociaux avoir pris soin à respecter l'égalité entre les femmes et les hommes, conformément à l'objectif de développer un enseignement moral et civique non-sexiste de l’Éducation Nationale. La tribune signée par 314 enseignantes et enseignants et publiée le 7 novembre 2017 sur Slate.fr démontre le rôle d'autorité de l'enseignement dans l'édification des règles. Le corps professoral signataire affirme refuser d'enseigner la règle de grammaire appelée « le masculin l'emporte sur le féminin ».
La circulaire du 5 mai 2021, portée par Jean-Michel Blanquer, est adressée aux recteurs et rectrices d'académie, aux directeurs et directrices de l'administration centrale et aux personnels du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Elle proscrit le recours au point médian et préconise toutefois la féminisation des métiers et des fonctions ou encore l’usage des doubles flexions (« le candidat ou la candidate »). Il s'agit donc d'une application de la circulaire du 21 novembre 2017, portée par Édouard Philippe à l'Éducation Nationale, au-delà des textes publiés au Journal officiel.
Julien Aubert : « Merci, madame le président. »
[…]
Sandrine Mazetier. « Vous utilisez la formule madame la présidente, ou il y a un problème. »
Julien Aubert. « J'utilise les termes de l'Académie française. »
Assemblée nationale, le 6 octobre 2014.
« C’est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme : devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel. »
Déclaration de l’Académie française sur l'ÉCRITURE dite « INCLUSIVE », 2017.
« Il convient de laisser aux pratiques qui assurent la vitalité de la langue le soin de trancher »
Rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions, L'Académie française, 2019
« Le rôle du Gouvernement ne peut certes pas être en la matière d’imposer une norme : la liberté d’expression, une des libertés les plus fondamentales dans une démocratie, suppose le droit pour chacun d’utiliser la langue comme il l’entend. Mais le Gouvernement doit montrer l’exemple dans la sphère qui est la sienne, celle des services publics. »
« Femme, j’écris ton nom… Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions », 1999.
« Les manuels scolaires sont le reflet de la société et de ses évolutions. Ils cristallisent donc inévitablement les grands débats de société. Les auteurs et les éditeurs des éditions Hatier sont à l’écoute de ces débats lorsqu’ils rédigent un manuel, en toute responsabilité et en exerçant leur liberté éditoriale, dans le strict respect des programmes de l’Education Nationale et des valeurs de la République. »
« Manuel Magellan "Questionner Le Monde" : mise au point de l’éditeur», 2017.
« Bravo aux @EditionsHatier qui donnent l'exemple pour une écriture inclusive et une éducation égalitaire ».
« Il y a un ministère qui joue un grand rôle, c’est le Ministère de l'Éducation. Parce que, quand c’est imposé dans les écoles, ça change tout »
« Notre langue est un trésor précieux que nous avons vocation à faire partager à tous nos élèves, dans sa beauté et sa fluidité, sans querelle et sans instrumentalisation. »
Jean-Michel Blanquer, circulaire « Règles de féminisation », 2021
Domaines d’expertise et incidences sur les domaines d'application
La langue et le langage sont soumis à différentes institutions et sont par ailleurs étroitement liés à de nombreux champs d’expertise et aux experts qui les incarnent. Ainsi, linguistes, historiens, professeurs, psycholinguistes, experts en communication, romanciers, artistes, designers typographes et associations expriment des avis divergents, tant sur l’utilisation de l’écriture inclusive que sur son champ d’application. Ici, la question est celle de la lisibilité, de l’oralité, et de leur optimisation pour le public, celle de son apprentissage ; mais aussi de sa légitimité. Qui peut utiliser l’écriture inclusive ? A qui la destine-t-on ? Et dans quel but ? En effet, le public est varié en termes d’aptitudes (adultes, enfants, personnes handicapées), de statuts et d’activité (particuliers, personnes LGBTQI+, employés, politiciens, militants…) ce qui induit des compétences et des intérêts divers pour le sujet.
La linguistique désigne l’étude scientifique du langage. Cette discipline est descriptive et s’inscrit dans une démarche d’étude et de recherche plus que de normalisation ou de régulation. Ainsi, les linguistes observent les évolutions du langage, soit la capacité qui nous permet d’exprimer notre pensée et de communiquer entre nous, au moyen de la langue. Alors que l’écriture inclusive apparaît comme une nouvelle forme de langage, certains linguistes l’ont observée et l’ont commentée. Ainsi, est née l’association GSL (Genres, Sexualité, Langage), une association qui regroupe des acteurs liés autour d'un projet commun : celui de questionner les représentations du genre par les pratiques langagières. Cet espace de rencontres et de publications articule des savoirs-faire et des linguistes qui sont partie intégrante du débat autour de l'écriture inclusive : Maria Candéa, Luca Greco, Anne-Marie Houdebine, mais aussi Julie Abbou et Daniel Elmiger dont nous avons étudié les travaux, certains publiés dans la revue GLAD! éditée par l’association.
Pas d’application
Pour certains linguistes, l'écriture inclusive pose différents problèmes liés à l'utilisation, la lisibilité, l’oralité et l’apprentissage. C’est notamment ce qu'expliquent Yana Grinshpun, Franck Neveu, François Rastier et Jean Szlamowicz dans une Tribune publiée dans le journal Marianne :
« Les pratiques inclusives ne tiennent pas compte de la construction des mots : tou.t.e.s travailleu.r.se.s créent des racines qui n’existent pas (tou-, travailleu-).Ces formes fabriquées ne relèvent d’aucune logique étymologique et posent des problèmes considérables de découpages et d’accords. »
Ainsi, ces linguistes qui jugent « excluante » cette forme d’écriture à plusieurs niveaux, dénoncent la volonté d’une imposition d’une norme langagière « arbitraire » qui fait fi des règles grammaticales, de la circulaire ministérielle de novembre 2017 et de l’usage. Ils réfutent les arguments historiques avancés par les défenseurs de l’écriture inclusive comme Éliane Viennot pour qui la langue a été masculinisée à partir du XVIIe siècle. Par conséquent, pour eux, l’écriture inclusive ne peut être appliquée au regard de l’histoire, des mesures gouvernementales et de l’usage du langage. Elle ne doit être appliquée dans aucun domaine, ni dans les différents corps administratifs, ni dans les universités et les écoles.
« L’usage est certes roi, mais que signifie un usage militant qui déconstruit les savoirs, complexifie les pratiques, s’affranchit des faits scientifiques, s’impose par la propagande et exclut les locuteurs en difficulté au nom de l’idéologie ? »
Applications ciblées, « de niche »
D’autres linguistes ne s’opposent pas catégoriquement à l’écriture inclusive et sont d’accord avec l’idée d’un lien fort entre la réalité symbolique du langage et la réalité interne de la société et des représentations sociétales. Par exemple, Daniel Elmiger appelle à prendre en considération l’écriture inclusive dans sa totalité et les différentes questions qui sous-tendent son usage :
« Il y a d'autres considérations qui, à mon avis, dans le débat actuel, ne sont pas assez prises en considération et sont des questions de type stylistique, de praticabilité, maniabilité et autres. Ce que je déplore, c'est qu'il y ait trop rapidement des positions de type « pour » ou «contre» »
Daniel Elmiger, entretien
Administration
Ainsi, l’homogénéité est pour Daniel Elmiger un des enjeux principaux de l’écriture inclusive pour son application et sa compréhension dans des sphères déterminées, par exemple l'administration où les formulations sont déjà normées pour des questions de cohérence. Selon lui, la meilleure solution, qu'elle soit inclusive ou non, inclusive à un certain degré, ne sera pas trouvée et imposée « d’en haut ». Au contraire, si elle l’est, elle émanera du grand public. Il évoque la possibilité que différents utilisateurs de s’emparer de domaines et de construire leur langage inclusif propre. Ces « usages de niche », plus ou moins poussés dans l’utilisation et réglementés, ne représentent pas une menace pour le projet global de l’écriture inclusive et peuvent exister indépendamment des autres. En effet, selon lui, si les solutions trouvées peuvent être pratiquées par des groupes engagés, une application généralisée semble impossible à imposer.
«Je crois qu'on peut quand même essayer de dire « si on veut le faire, comment est-ce qu'on peut le faire? ». Cela peut être purement avec une visée de montrer l'exemple. On peut aussi dire tel média, telle association, telle administration, telle université veut avoir des usages plus cohérents, et donc dire « ce sera comme ça qu'on va procéder ». Sinon, il faudrait envisager quelque chose de beaucoup plus coercitif. Il faudrait avoir une sorte d'Office Général de la Francophonie, qui dirait : « désormais, il faut utiliser ça et ça ». Je crains que ça ne soit pas possible parce que les contextes sont trop différents. Qui serait légitimé à donner ce genre de règles très strictes ? Pour l'instant, il y a beaucoup de guides qui promeuvent, en quelque sorte, une certaine variabilité des usages. Selon le point de vue, tant mieux ou tant pis.»
Daniel Elmiger, entretien
Danielle Omer, spécialiste en didactique de la langue en français langue étrangère, reconnaît que l’apprentissage à l’âge adulte des codes d’écriture inclusive recommandés par les différents guides peut être difficile. Cependant, elle estime très peu probable que ces mêmes codes soient scrupuleusement respectés par les différentes administrations officielles (par exemple les hôpitaux, EDF, les mairies, La Poste, la RATP, la sécurité sociale, la SNCF, les tribunaux…), qui auront une application plutôt libre.
École élémentaire
L’école a été une sphère très présente dans les débats autour de l’écriture inclusive à partir de la parution du manuel de niveau CE2 Questionner le monde qui a suivi les recommandations d’écriture non sexistes du HCE paru deux ans plus tôt. Plusieurs circulaires ont été rédigées par le Ministre de l’Education, comme celle du 5 mai 2021 évoquée plus haut, où l’écriture inclusive avec le point médian est interdite. Sont alors évoqués les problèmes d’accessibilité en termes de lisibilité et d’apprentissage qui en découlent.
L’association SOS Education s’est également engagée contre l’écriture inclusive et ses diverses formes qu’elle juge excluantes. Pour atteindre son objectif de « proscrire l’écriture dite inclusive à l’école », l'association a rédigé une pétition qui a rassemblé plus de 52 000 citoyens et a été envoyée à Jean-Michel Blanquer. Pour Sophie Audugé, Déléguée Générale de SOS Éducation, même si l’interdiction du point médian dans les écoles élémentaires par la circulaire du 5 mai 2021 est une victoire, elle déplore la recommandation des doubles flexions qui « crée une distinction là où jusqu’alors il n’y en avait pas ». De plus, elle liste plusieurs sujets qui méritaient d’être abordés. Elle évoque un manquement au sujet des pratiques de l’écriture inclusive dans les universités, tout comme son utilisation dans les manuels scolaires et finalement elle regrette qu’aucun recours ne soit prévu pour les enseignants, élèves et parents qui « subissent des pressions pour l’enseigner ou l’appliquer » :
« Cette écriture, qui se traduit par la fragmentation des mots et des accords, constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l'écrit. L'impossibilité de transcrire à l'oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture à voix haute comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes. Enfin, contrairement à ce que pourrait suggérer l'adjectif « inclusive », une telle écriture constitue un obstacle pour l'accès à la langue d'enfants confrontés à certains handicaps ou troubles des apprentissages. »
Michel Blanquer, circulaire « Règles de féminisation », 2021.
« C’est donc en porte-parole de 52 000 citoyens que SOS Éducation a demandé solennellement au ministre de l’Éducation nationale :
-
d’interdire dans les écoles des pratiques de notre langue contraires à l’avis de l’Académie française, laquelle est garante de son évolution et de son bon usage ;
-
d’interdire dans nos écoles tout manuel scolaire ou leçon qui utilise l’écriture inclusive ;
-
de condamner fermement les pratiques de professeurs qui l’utilisent, la promeuvent, ou la bonifient par des points supplémentaires dans les copies de leurs élèves. »
Sophie Audugé, « Ça y est : l'écriture inclusive est proscrite à l’école ! », SOS Éducation 2021.
A contrario, le syndicat de la FERC de la CGT (Fédération de l'Éducation, de la Recherche et de la Culture) et la CGT éduc’action se positionnent en faveur de l’écriture inclusive et regrettent, eux aussi une circulaire en demi-mesure, mais cette fois en déplorant l'interdiction du point médian. Ils exigent que le Ministre de l'Education nationale revienne sur cette circulaire et invoquent la mission d’égalité entre les femmes et les hommes du quinquennat d’Emmanuel Macron. De plus, ils mettent en doute le fait que cette écriture engendre des difficultés insurmontables pour les élèves et évoquent le manque d'arguments solides et étayés par des études :
« Les deux arguments invoqués pour refuser l’écriture inclusive sont des prétextes : aucune étude ne démontre que celle-ci soit trop complexe pour les apprentissages et la conception de la langue française comme un « trésor » intouchable n’est que l’expression d’un conservatisme réactionnaire. En véhiculant ces stéréotypes qui lui semblent relever du bon sens, le ministre cautionne les valeurs d’une société sexiste. »
Danièle Manesse, spécialiste en didactique du français langue maternelle, est engagée auprès des jeunes et adultes en difficulté, pour une école inclusive. Selon elle, le point médian, les différentes règles inclusives tels que l’ordre alphabétique en énumération ou l’accord de proximité, et plus récemment les pronoms neutres, rendent l’apprentissage de l’écriture, de la lecture et l’oralité complexes pour les jeunes en difficulté, mais aussi pour les personnes analphabètes.
Selon Danielle Omer, les difficultés d’apprentissage que représentent l’écriture inclusive ne sont pas plus importantes que celles que présente déjà la langue française avec les acronymes, les abréviations ou la règle d’accord du participe passé — qui est pour elle davantage « aberrante ». Ainsi, elle estime que l’école est un domaine d’application où l’écriture inclusive pourrait avoir une place, si tant est que les enseignants y soient formés :
« Tout mon travail tourne autour de ceux qui peinent à s’approprier la langue écrite, de l’exclusion et des souffrances qui en résultent. L’écriture inclusive est un code compliqué pour lettrés, une voie de plus pour mettre l’école en difficulté, en compliquant la relation entre l’oral et l’écrit, notamment. »
« Par contre, l’apprentissage de l’écriture inclusive pour les jeunes élèves pourra se faire assez facilement quand les professeur-e-s des écoles seront formé-e-s. Il en sera facilité, dans la mesure où il ne portera pas sur l’apprentissage de règles aberrantes comme, par exemple, l’accord du participe passé avec le complément d’objet placé avant le verbe lorsqu’il est conjugué avec avoir, mais sur celui de recommandations intellectuellement et perceptiblement compréhensibles. »
Daniel Elmiger estime que les pratiques ne sont pas (encore) homogènes, qu’elles sont parfois en concurrence ou en parallèle et qu’elles doivent passer le « test de la pratique ». Ainsi, pour lui, la question de l’apprentissage de l’écriture inclusive à l’école est encore précoce. En effet, même s’il n’exclut pas la possibilité et la légitimité d'une diversité d’usages dans certains milieux, il est favorable à un usage optimisé et adapté au plus grand nombre et au plus grand nombre de contextes, dont l’école fait partie.
« À mon avis, il faudrait trouver des solutions qui ne soient pas trop compliquées et qui puissent s'utiliser à peu près dans tous les contextes. Cela ne veut pas dire que dans certains contextes, et pour certains groupes, cela puisse être différent. Par exemple, un groupe de personnes non binaires aura une volonté, une nécessité autre de se manifester et de se rendre visible par des moyens graphiques, par exemple, qu'un État, une administration ou une université, qui ont d'autres préoccupations. Je trouve que les solutions qui vont pour le plus grand nombre et le plus grand nombre de contextes sont les meilleures. »
Pascal Gygax, psycholinguiste et psychologue cognitif, a étudié les effets de la langue sur les enfants en bas âges, sur les jeunes enfants et sur les adultes. Ses études lui ont permis de révéler un lien de cause à effet entre l’usage du masculin générique et les représentations — stéréotypées — de genres. Ainsi, pour Pascal Gygax, l’école est un domaine d’application primordial à expérimenter et à investir puisqu’il semblerait être le lieu où se créent des inégalités sociales de genre en lien avec le langage.
Pascal Gygax croit à l’impact des manuels scolaires pour faire évoluer ces questions. Il anime des ateliers et présente le langage inclusif dans les écoles et les universités afin de sensibiliser les enfants aux conventions sociales et à leur impact sur les comportements et les représentations mentales. Selon lui, cette sensibilisation et cette application doivent être étendues dans d’autres sphères atteintes par les stéréotypes sexistes, et notamment la sphère professionnelle.
« Les effets du masculin et de la langue sont systémiques, donc sont nés de notre éducation et de notre société. »
Pascal Gygax, «Alors, on cause toutes et tous épicène et inclusif?» Le Matin Dimanche, 2021.
« Il faut des interventions dans les écoles, les entreprises et auprès des parents pour rendre visibles ces stéréotypes, expliquer leur provenance, et surtout les déconstruire. »
Entreprises et institutions
Pour certains, comme Raphaël Haddad, Éliane Viennot et Pascal Gygax, l’écriture inclusive doit s’utiliser au sein de la sphère professionnelle. Selon Raphaël Haddad, docteur en Sciences de l’Information et Communication, elle serait un puissant levier en faveur de la féminisation des candidatures et des effectifs, de l’égalité salariale, et un outil pour créer un environnement non-sexiste. La priorité de l’application, dans le cadre de son activité, est donc donnée dans les milieux où les inégalités de genre sont les plus présentes comme les institutions et les entreprises.
« En attirant l’attention sur les modalités de l’expression, sur le fonctionnement de l’outil qui nous sert à penser et à écrire, sur les lieux parfois bien obscurs où se cache le sexisme, l’écriture inclusive jette une lumière crue sur les mécanismes de la domination ordinaire. Elle est un levier de redistribution du pouvoir au sein d’une organisation »
Raphaël Haddad et Chloé Sebagh dans la postface de
« Le langage inclusif : pourquoi, comment ? », Éliane Viennot, 2018.
« Il faut d’abord des changements de pratiques, et il y a beaucoup de travail: les salaires, les manières de parler dans les séances, les temps de parole accordés aux femmes, l’utilisation de formules diminutives pour les désigner (par exemple l’utilisation automatique du prénom pour s’adresser à une femme)… Cela prend du temps, il faut que chacune et chacun, en entreprise, puisse prendre conscience de ses propres attitudes et des effets qu’elles peuvent produire. »
Littérature
Au moment où le débat de l'écriture refait surface en France, les inquiétudes liées à l’application étaient aussi focalisées sur le domaine de la littérature et de son éventuelle traduction. Beaucoup de personnes en défaveur de l’écriture inclusive se sont inquiétées d’une imposition généralisée à tous les écrits en se montrant particulièrement opposées à son application dans la nouvelle littérature, comme dans la traduction de l’ancienne. En effet, beaucoup ont voulu démontrer une certaine absurdité en prenant pour exemple et en traduisant en écriture inclusive des textes historiques comme la fable Le Corbeau et le Renard de Jean de La Fontaine.
Éliane Viennot, professeure émérite de littérature ancienne répond aux critiques en expliquant que la littérature et sa traduction ne sont pas des domaines directement concernés par le projet de l’écriture inclusive. Au contraire, l’écriture inclusive est davantage destinée à des écrits inscrits dans le présent plutôt que dans le passé et à des domaines d’applications de transmissions de connaissances factuelles où l’exactitude des données, comme celle des représentations sociales, est de mise.
De la même façon, Raphaël Haddad ne considère pas la littérature comme un domaine directement concerné par l’écriture inclusive.
Il explique que la traduction d’œuvres littéraires est un faux débat.
En effet, aucun guide d’écriture inclusive, que ce soit celui du HCE ou celui de son agence Mots-Clés, ne mentionne de traduction. Au contraire, le sujet est abordé en ces termes : le Manuel conseille pour le registre des citations de textes de conserver les formulations historiquement situées.
Éliane Viennot n'exclut pas l’usage dans la littérature pour autant et explique que le choix revient aux écrivains et écrivaines. En effet, l’écriture inclusive est également expérimentée dans le domaine de la littérature autour des questionnements d’identité de genre et de représentations du genre féminin. Ainsi, Monique Wittig, romancière, philosophe et militante féministe dès les années 70, a théorisé l’identité lesbienne, les stéréotypes de genres et a remis en question le sexisme de la langue française, notamment dans son roman Les Guérillères, où le pronom féminin est omniprésent.
Cet emploi particulier du pronom comme revendication et comme critique du masculin générique est aussi observé dans le roman Requiem d’Alpheratz. Linguiste et spécialiste du français inclusif, Alpheratz a écrit son roman en réactivant le genre neutre « al », qui existait en ancien français. Selon l’autaire, cette écriture qui défait les conceptions genrées et sexistes de la langue lui permet d’exprimer son identité et plus largement sa pensée autour des questions de non binarité. Son œuvre de fiction « bouleverse les codes de la grammaire et de la littérature pour relever l’un des plus grands défis qui se posent à l’humanité : construire une langue et un monde plus justes » (Alpheratz, «Requiem - Mot de l’autaire»)
« Maître.sse corbe.au.lle sur un arbre perché tenait en son bec un fromage. Maître.sse renard.e par l’odeur alléché.e lui tint à peu près ce langage. »
Exemple fréquent utilisé dans les médias et sur les réseaux
« C’est d’abord l’ampleur du fantasme qui surprend – ou du « délire », pour reprendre un terme utilisé récemment. Qui donc a jamais proposé de réécrire les textes littéraires, historiques, philosophiques, politiques… signés d’un auteur ou d’une autrice ? Ce sont les écrits de nos jours et pour nos jours qui sont concernés : articles de journaux, ouvrages scientifiques, formulaires administratifs, directives, courriers, nouvelles lois… »
Éliane Viennot, « “Le corbeau et le renard” en écriture inclusive : une fake news de plus» Obs, 2017.
Art
Dans la même optique et dans une approche plus critique, la collective Roberte La Rousse s'empare de l’écriture inclusive et plus particulièrement du féminin générique. Le duo est composé de Cécile Babiole, plasticienne et d’Anne Laforet, docteure en sciences de l'information et de la communication, enseignante artiste et critique. Leur projet En française dans la texte a pour principe la démasculinisation de la langue française. Dans le cadre de leur performance « A votée » autour de la question du genre dans la langue française, elles ont traduit une nouvelle d’Isaac Asimov. La traduction est opérée par un algorithme qui change les règles grammaticales et transforme systématiquement les pronoms masculins en féminin. Cette écriture à la fois poétique et politique autour du « féminin qui l’emporte sur le masculin » qui se veut élément perturbateur et de réflexion sur le langage, ses absurdités et les perceptions stéréotypées qu’il produit.
« C’est ainsi que les traductions perturbent significativement les messages originales, en créant une sentiment d’inquiétante étrangeté proche de la trouble que génère l’expression poétique. Cette littérature « en française » produit aussi une certaine humour en dévoilante à l’improviste, comme une lapsus, l’origine ou la parenté de mots ou d’expressions, par exemple : {Le cours du bitcoin est influencé par différents facteurs} devient en française : « La course de la bitcoin est influencée par différentes factrices »… Enfin, notre proposition rend obsolète toute la débat autour de l’écriture dite inclusive. »
Design et typographie
Si l’écriture inclusive appartient au champ de la linguistique, elle appartient aussi à celui qui lui permet d’exister graphiquement. Ainsi, le dessin des lettres et des signes typographiques par des designers et graphistes ont un rôle à jouer dans l’écriture, tant pour son utilisation que pour sa lisibilité.
Selon la collective Bye Bye Binary, « l’écriture inclusive parfaite », qui permet de représenter toutes les identités de genre, et ce, sans qu’il y ait de difficultés de lecture, n’existe pas encore : il s’agit de l'expérimenter. En effet, Caroline Dath°Camille Circlude et Christella Bigingo, designers et enseignanls à l’erg abordent la question de la lisibilité dans leur article « De la nécessité d’étudier la lisibilité des nouvelles formes typographiques non binaires (ligatures et glyphes inclusifs), les alternatives au point médian et au doublet observées dans les milieux activistes, queer et trans-pédé-bi-gouines ». Elles expliquent que si le point médian est de plus en plus utilisé, c’est qu’il a l’avantage de créer un gris typographique esthétique et confortable (soit l'impression produite sur l'œil par la vision générale d'un texte) et ce sans lézarde (des effets de lignes blanches dans le texte), ce que le point «normal» ne permettait pas. Pour autant, les autaires ne voient pas dans le point médian une solution absolue puisqu’il n’est pas rendu accessible par les PC et les systèmes d’assistance vocale.
Ainsi, l’usage est au cœur de la problématique de la collective car il s’agit pour ses membres de répondre au problème de lisibilité, mais aussi d’identification du genre neutre par la création de nouvelles dénominations et de formes. L’usage prédominant est modifié et augmenté par un autre.
Aujourd’hui, des outils typographiques numériques sont en cours de développement afin de faciliter l’utilisation de l’écriture inclusive, notamment pour que celle-ci soit plus intuitive. Par exemple, les typographes de la collective Bye Bye Binary et le designer Tristan Bartolini ont créé des glyphes pour les pronoms et suffixes inclusifs tels que « iel », « fve » ou « xse ».
Dans le cadre du workshop typographique de Bye Bye Binary, Caroline Dath°Camille Circlude, explique que la création de nouveaux glyphes répond tout d’abord à l’envie de dépasser la binarité de genres dans l’écriture, d’assurer une meilleure lisibilité mais aussi de proposer une écriture alternative au point médian tant décrié :
« Depuis ses débuts, Bye Bye Binary a cherché à nourrir des imaginaires pour la recherche, dans un processus continu plutôt qu’en essayant de trouver «la» solution pratique qui conviendra à tous·tes, et il reste du travail ! »
« On voulait créer de nouveaux caractères, de nouveaux glyphes qui fusionnaient les choses plutôt que les séparer. Voilà en quoi ça reste quelque chose qui sépare deux éléments. Ce n'est pas ce qui nous intéressait du tout. Alors il y a des personnes qui ont travaillé sur des points fluides, qui sont plus des éléments de symbiose, qui raccrochent les lettres plutôt que de les séparer par un point. »
Clara Sambot fait partie des designers et typographes de la collective Bye Bye Binary qui expérimentent des systèmes graphiques de saisie automatique qui proposent différentes écritures de mots et de terminaisons grammaticales non-binaires à partir d’un code simplifié. Elle est actuellement en recherche d’un code graphique qui permettrait d’appeler des signes et ligatures en fonction de combinaisons de points «..», «...»... L’avantage serait de ne plus avoir à chercher « manuellement » les signes spécifiques dans les systèmes Unicode et de rendre l’écriture beaucoup plus simple, rapide et instinctive. Il reste encore à faire fonctionner le programme de reconnaissance des mots, et selon Caroline Dath°Camille Circlude, « la technique est vraiment l'enjeu principal pour l'accessibilité ».
Tristan Bartolini explique que ce procédé est déjà appliqué dans les polices actuelles, principalement pour les ligatures existantes et courantes telles que « fi », « fl » ou « æ », « œ » :
«Dans la typographie, pour un même glyphe, on peut avoir ce qu’on appelle des alternate donc, des possibilités différentes sur le même glyphe. Clara Sambot travaille fort les alternate dans ses propositions pour ne pas figer non plus une forme de « ée » ensemble donc on peut en avoir trois, quatre sur le même glyphe.»
« Par exemple, quand il y a deux signes qui sont l’un à côté de l’autre, automatiquement, les deux signes sont remplacés par un seul signe, comme les ligatures f/l qui sont des ligatures spéciales. [...] L’idée, ce serait d’en arriver là, qu’il n’y ait vraiment aucun effort à faire pour taper ces signes. »
Tristan Bartolini, entretien
Ainsi, les designers graphiques ont un rôle dans l’apprentissage et l’écrit. Pour Tristan Bartolini, le graphiste travaille sur l’invisible : sur ce que le lecteur ne voit pas, mais est capable de ressentir. Il est donc nécessaire pour lui de rendre l’expérience de la lecture la plus optimale possible en réduisant les gênes visuelles et les représentations sexistes.
« Assez souvent, les graphistes et les typographes travaillent sur l’invisible, sur l’optimisation, sur des choses que personne ne voit à part les graphistes. Le but, c’est de communiquer visuellement et c’est vrai qu’il y a des règles et des soucis optimaux qui sont nécessaires afin que le message soit plus clair et c’est particulièrement important dans la typographie. Parce que c’est vrai qu’un logo avec un interlettrage un peu douteux, c’est problématique, mais de nouveau, pour les graphistes et les typographes. Tout d’un coup, quelqu’un qui n’a aucune notion là-dedans, est-ce qu’elle va le voir ?
Je ne m’en rends pas compte. Moi en tout cas oui, comme beaucoup de graphistes. »
Tristan Bartolini, entretien
“En effet, dans l’enseignement de la typographie, qu’on peut qualifier de validiste, les futurs designers de caractères sont peu formés aux questions de lisibilité et encore moins aux difficultés rencontrées par les personnes ayant des troubles de la lecture. Bien qu’il existe des ouvrages sur la question de la lisibilité des caractères typographiques et du processus de lecture[21] ou des écrits controversés[22] à propos des polices de caractères dédiées aux dyslexiques[23], ces questions restent des problématiques qui ne sont pas quasi pas embrassées dans les démarches de création typographique.”
Caroline Dath°Camille Circlude, « De la nécessité d’étudier la lisibilité des nouvelles formes
typographiques non binaires (ligatures et glyphes inclusifs), les alternatives au point médian
et au doublet observées dans les milieux activistes, queer et trans-pédé-bi-gouines »,
typo-inclusive. net, 2021.
L’usage fait-il la langue ?
Entre les institutions qui font autorité et les linguistes, il semble qu'il y ait un consensus autour de la question « Qui fait la langue ? ».
Pour autant, la liberté d'usage est déterminée par des influences socio-politiques. Quel est donc le rôle de l’usage dans la fabrique des règles de la langue ? Faut-il laisser l’usage évoluer ou décider de la place du langage inclusif dans nos sociétés ?
L’usage conditionne l’évolution de la langue / la liberté des usages
L’évolution des règles au cours de l’histoire de la langue montre qu’elles ne sont pas stables. Ainsi, l'écriture inclusive, comme toutes les règles linguistiques, n'est pas exempte de querelles. Il faut noter ici que la perception des différentes pratiques de l'écriture inclusive a évolué avec le temps, faisant la démonstration magistrale de ce dynamisme. Le champ de la controverse s'est déplacé, suivant celui de l'opinion. Même si cette opinion est difficile à appréhender et à mesurer, on peut remarquer que certaines pratiques auparavant largement rejetées sont aujourd'hui acceptées. Ainsi, si la féminisation faisait débat hier, la pratique fait depuis quelques années consensus, nous l'avons vu. Considérées autrefois comme des « barbarismes » par l'Académie française, elle estime désormais qu'il s'agit d'une « évolution naturelle du langage ». La double flexion est aujourd'hui acceptée par bon nombre d'acteurs, comme le démontrent les circulaires Philippe-Blanquer. Il faut se rappeler que la citation de Charles De Gaulle « Françaises, Français » avait été moquée par l'Académie, si bien que Éliane Viennot affirme dans un article pour Libération qu'il est « le père du langage inclusif ». Le point médian semble être la pratique la plus polémique, aujourd'hui. Si la discussion autour de l'écriture inclusive évolue, l’enjeu du point médian sera sans doute amené à évoluer demain encore.
Pourtant, certains acteurs de la controverse considèrent l'irruption des enjeux d'inclusivité dans la langue comme soudaine voire comme le fruit de positions idéologiques. Selon le linguiste Alain Rey, l’imposition d’un changement brutal dans la langue n’a aucun sens et est surtout voué à l’échec. François Rastier parle d'un séparatisme linguistique et militant sous la dénomination « inclusivistes ».
La quasi-totalité des acteurs de la controverse estime que l'usage prévaut. On entend souvent que « l’usage fait la langue », rendant la propriété de la langue à ceux qui la pratiquent, nous. Selon Daniel Elmiger, un processus démocratique pour la mise en place d’une disposition de la langue serait difficile à atteindre dans la mesure où il ne peut passer par un consensus impliquant l’ensemble des personnes concernées.
Lorsqu'il est question de Qui ?, le facteur individuel doit aussi être pris en compte. L'usage des règles diffère, selon les situations et les interlocuteurs. Le socio-linguiste Luca Greco rappelle d'ailleurs qu'on ne « performe » pas la langue de la même manière selon son genre. Selon lui, les normes de langage se transmettent par l’acquisition de la langue, pendant laquelle on apprend non seulement un lexique mais aussi à utiliser un mot au bon moment, la compétence de la communication. Ce qui explique, selon lui, que les hommes interrompent plus les femmes dans le cadre de conversation que l’inverse, que les hommes utilisent plus l'impératif lors de conversation contrairement aux femmes qui font davantage appel à la coopération et utilisent des modalisateurs comme «peut-être», «il me semble que»... Selon le psycho-linguiste Pascal Gygax, nous utilisons plus de verbes associés à des hommes et plus d’adjectifs et de noms associés à des femmes, qui véhiculent l’idée du genre « masculinactif » et du féminin passif. De fait, nous serions nous-mêmes des véhicules de ces stéréotypes.
En faisant acte de l’usage des pronoms iel ou ielles au sein de certaines communautés, Daniel Elmiger met en avant une sorte de liberté individuelle et des pratiques de niche. Il est envisageable de penser qu'on puisse mettre en place une forme de négociation selon la personne à laquelle on s'adresse.
Influence sur les pratiques
Certains pôles de pouvoir peuvent influencer les pratiques et la pérennité des règles. Les médias, l'école, la justice, les évolutions technique et technologique sont autant de facteurs d'influence et de validation des usages. Ces pôles sont autant d'espaces au sein desquels l'écriture inclusive est utilisée selon des contraintes qui lui sont propres.
Selon Raphaël Haddad, les institutions publiques et privées peuvent participer à l’homogénéisation des pratiques de l'écriture inclusive et leur pouvoir d’influence sur les usages. À ce titre, Danielle Omer déplore un manque d'homogénéité dans les communications publiques écrites des mairies utilisant l’écriture inclusive, en prenant l’exemple de la mairie de Grenoble. Quant au syndicat professionnel SFT (société française des traducteurs), il a constitué un groupe de travail en 2019 qui vise à intégrer progressivement l'écriture inclusive dans sa communication, dans le sillon des Nations unies et de l’Union européenne.
L'évolution technique est un facteur d'influence sur les usages. Selon Alpheratz, les facteurs qui entrent en compte sont par exemple les évolutions technologiques qui font entrer de nouveaux mots dans la langue mais aussi les décisions politiques et les choix individuels. À cet égard, l'usage du point médian est rendu possible par le clavier via une combinaison de touches.
Certains protagonistes de la controverse sont inquiets de l'intervention de groupes féministes. François Rastier s'oppose à l'imposition de règles qui viendrait, selon lui, de groupes militants. En évoquant une conception « totalitaire » du pouvoir, il dénonce le fait que ces personnes exercent sans la médiation d'institutions légitimes et qui font autorité.
Conclusion : quelles normalisations des pratiques ?
Quelles normalisations des pratiques ?
La prescription linguistique consiste à normaliser les « bonnes pratiques ». Si chaque locuteur et locutrice a une opinion sur les règles de la langue, la question de la prescription revient à interroger celle de l'autorité : qui possède une légitimité socio-politique et une expertise pour hiérarchiser les usages et les généraliser ?
Si l'Académie française est l'illustration parfaite de cette approche dite prescriptive, Anne-Marie Houdebine rappelait que la prescription et le centralisme linguistique sont des spécificités bien françaises. A tel point qu'elle parle d'un imaginaire linguistique prescriptif. Cet imaginaire serait-il lié à une forme de sacralisation de la langue ?
Par ailleurs, les réformes orthographiques sont aussi des normes d'harmonisation et de simplification des usages qui vont dans le sens d'une logique pratique et de communication.
Qu'en est-il de la multiplicité des manières d’écrire et de parler qui donne une forme à la langue ? Selon certains protagonistes de la controverse, la promotion d'une langue unique aux règles fixes et partagées par tous serait contraire à la réalité des pratiques et à la diversité d'usage des règles. Cette approche normative serait la manifestation d'une idéalisation de la langue. Laélia Véron et Maria Candea, à rebours des discours déclinistes, considèrent que le français appartient à tous ceux qui l'emploient, le lisent et l'écrivent dans Le français est à nous !. La normalisation du langage serait aussi un frein à la liberté des pratiques et notamment de la créativité linguistique
L'écriture inclusive ne manque pas de manuels et de guides pratiques. La diversité de ces recommandations théoriques de l'écriture inclusive en serait-elle la démonstration ? Julie Abbou explique ne pas être en faveur de l’imposition de règles grammaticales qui seraient contraignantes et entraînerait la répétition du prescriptivisme linguistique pourtant critiqué et combattu.
« La première étape, c'est d'introduire du "Madame, Monsieur". Ça c’est la première étape du français inclusif. La deuxième étape c'est la soudure des marques morphologiques au sein des mots. Par exemple, le mot que je vous donnais tout à l’heure « lecteurices », il a commencé par être une double flexion partielle "lecteur·rices". Puis c'est devenu "lecteurices". Ça, c'est une deuxième étape. Et puis, la dernière étape, c'est la création de mots avec des marques spécifiques au genre neutre et au genre neutre seul. Par exemple, un mot comme "citoyem" c'est aussi une marque spécifique de genre neutre. Ce n’est pas du tout une fusion de deux marques morphologiques binaires. Donc là, cette dernière étape, c'est l'introduction d’un troisième genre grammatical en français. On n’a plus un genre binaire, on a un genre ternaire avec trois classes grammaticales bien définies. »
Alpheratz, entretien
« L’usage conditionne l’évolution de la langue et pas le contraire. Seuls les régimes totalitaires ont tenté d’imposer une novlangue. »
Gygax dans « Alors, on cause toutes et tous épicène et inclusif? » Le Matin Dimanche, 2021.
« S’il s’agit d’une personne qui ne veut ou ne peut pas s’identifier comme une femme ou comme un homme — ou si j’ai un doute ? Le meilleur moyen sera probablement de lui poser la question: quel est votre pronom ? Si ce n’est pas un « il » ou un « elle », la personne saura certainement le mieux quel pronom (et quelles formes genrées) conviennent le mieux. Si elle se situe au-delà de la binarité, il y a des pronoms qui permettent de contourner bon nombre de problèmes. »
Daniel Elmiger, « Les genres écrits n°3. Au-delà de la binarité : le trouble entre les genres », Glad!, 2018 ;
« L’évolution d’une langue n’obéit pas aux décisions réglementaires ni aux pressions de groupes militants »
François Rastier « Écriture inclusive et séparatisme
linguistique », le 10 août 2020.
« Par leurs revendications, certain·es promotaires du langage non sexiste ont donc bien compris que «derrière les dynamiques linguistiques se joue la distribution du pouvoir politique à l’intérieur d’une société.» »
Loison-Leruste Marie, Perrier Gwenaëlle, Noûs Camille ,
« Introduction. Le langage inclusif est politique : une spécificité française ? », Cahiers du Genre, 2020/2 (n° 69), p. 5-29.
« Les mobilisations pour un langage non sexiste viennent donc désacraliser la langue française alors que cette dernière a été longtemps imposée de manière autoritaire, et sont finalement une manière d’affirmer que « le français est à nous !» »
« Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation
linguistique », Maria Candea et Laélia Véron 2019.
« Certain.es promeuvent notamment une normalisation des pratiques, au sein d’une politique linguistique, tandis que d’autres saluent et encouragent l’hétérogénéité des pratiques, et les dimensions ludiques, exploratoires, d’écart que cette hétérogénéité entraîne. »
Julie Abbou, Aron Arnold, Maria Candea, Noémie Marignier. « Qui a peur de l’écriture inclusive?
Entre délire eschatologique et peur d’émasculation : Entretien », Semen - Revue de sémio-linguistique des textes et discours, Presses Universitaires de l’Université de Franche Comté (Pufc), 2018, Le genre, lieu discursif de l’hétérogène.