Julie Abbou
Julie Abbou est docteure en Sciences du langage sur les modifications du genre linguistique pour des motifs politiques. Elle fait des recherches en sociolinguistique, en analyse de discours et en anthropologie du langage et s’intéresse aux « apports théoriques réciproques des études de genre et des sciences du langage ». Julie Abbou a co-fondé la revue GLAD!, une revue scientifique qui traite des questions de genre et de langage, présentée comme « un projet intellectuel et politique : pour une approche critique du genre et du langage ». Elle est aussi enseignante et dirige le cours « Genre et Langage, Approches critiques », au sein du Master Signes, Discours, Monde Contemporain, de l'Université de Paris.
« Puisque le genre est précisément une activité de catégorisation, nous en parlons en permanence sans qu’il puisse être déterminé en lui-même. La mise en forme du langage, à travers la catégorisation, est donc un figement artificiel de la réalité. Une telle vision de la catégorisation permet d’injecter de la souplesse dans les répartitions sociales et linguistiques du genre. »
Julie Abbou, « /Unsaying ***/ Peut-on se dédire du genre ? »,
GLAD!, 2017.
Personnes associées
Liens avec notre enquête
Julie Abbou a étudié les questions de genre, de langage et de militantisme politique à et a publié sa thèse L'antisexisme linguistique dans les brochures libertaires : pratiques d'écriture et métadiscours en 2011. Elle focalise sa recherche sur le genre comme spécificité et définition d’un particulier en plus du genre comme catégorie sociale, et ce dans les milieux féministes, anarchistes et libertaires et explore la pratique non seulement à l’écrit mais aussi à travers le discours politique. Ainsi, l’écriture inclusive et ses diverses formes est un sujet qu’elle étudie et sur lequel elle publie des articles, dans la revue GLAD!, mais aussi dans les médias, comme le journal du Monde.
Julie Abbou estime que le projet de neutraliser la binarité de genre pose des questions de catégories de genre, mais aussi de catégorisation du générique au particulier.
Selon elle, ne plus utiliser le genre, le contourner, est possible. Le taoïsme et la rhétorique en sont des outils, dans leur capacité à « faire et défaire » dans un monde fait de subjectivité.
Selon Julie Abbou, le genre est une conception artificielle de la réalité que le langage a figé à travers des catégories grammaticales. Le langage inclusif utilisé dans les milieux militants féministe et anarchistes permet de troubler les conventions et de faire prendre conscience des systèmes de domination entre les genres, plus que de constituer une solution immuable.
« La prolifération des marques et des stratégies place cette pratique [de perturbations
linguistiques du genre, ndlr] du côté de la subversion plutôt que du programme politique.
Car il ne s’agit pas de trouver un système de genre satisfaisant, mais plutôt d’injecter du trouble dans la catégorisation, de l’assouplir. »
Julie Abbou, « /Unsaying ***/ Peut-on se dédire du genre ? », GLAD!, 2017
« Ces deux approches [rhétorique et taoïsme, ndlr] ont en commun de prendre le langage comme un espace de contradiction, au prisme de normes à travers lesquelles se figent et se défigent les façons de qualifier le genre. Elles ont également en commun de fournir la possibilité d’une critique de ces normes, ou de ces doxas, du genre. Taoïsme et rhétorique constituent deux faces complémentaires d’une même lecture du langage comme activité. »
Julie Abbou, « /Unsaying ***/ Peut-on se dédire du genre ? », GLAD!, 2017
Selon Julie Abbou, le genre ne peut être exclu de la langue française, il est autant social que grammatical. Par ailleurs, choisir la façon de l’employer ou de le contourner est politique, plus que cela, cela est subversif. Dire ou dédire le genre mène à se questionner sur la catégorisation du genre, tandis que ne pas le dire, en ne le nommant pas, le rend « évident ».
Julie Abbou explique que l’argument d’impraticabilité de l’écriture en France est une exception dans la francophonie qui prend racine davantage dans une idéologie « conservatrice » que dans la linguistique.
« Au travers des croisements sémantique entre politique, genre et langage, on voit se dégager une réticularité qui combine hétérogénéité et partage de prémices, où le rejet de l'institution et le caractère fondamentalement politique du genre, donc non-essentiel, sont associés pour placer cette perturbation linguistique dans une démarche émancipatrice. »
Julie Abbou, Thèse « L'antisexisme linguistique dans les brochures libertaires : pratiques d'écriture et métadiscours », 2011
« L’existence de ces pratiques et de ces normes dans d’autres espaces de la francophonie montre donc d’une part qu’il ne s’agit nullement d’un blocage linguistique, d’autre part que les locuteur.es du français de France sont autrement plus conservateurs que le reste de la francophonie. »
Julie Abbou, Aron Arnold, Maria Candea, Noémie Marignier. « Qui a peur de l’écriture inclusive? Entre délire eschatologique et peur d’émasculation : Entretien ». Semen - Revue de sémio-linguistique des textes et discours, Presses Universitaires de l’Université de Franche Comté (Pufc), 2018, Le genre, lieu discursif de l’hétérogène.
Finalement, selon elle, les caractères typographiques (parenthèses, tirets, majuscules) — dont le but était d’inclure les femmes — ont une portée symbolique à prendre en compte et nécessitent réflexion et ajustement. Elle voit dans l’utilisation du point des avantages que les autres signes typographiques tels que les parenthèses ou les slashs par exemple n’avaient pas car aucun usage symbolique n’y était associé jusque-là. Pour autant, Julie Abbou souligne également que l’usage typographique reste hétérogène et complexe.
« le point médian a l’avantage de n’avoir aucun autre usage typographique et, à ce titre, est donc un bon candidat typographique. C’est d’ailleurs probablement pour cela qu’il cristallise la discussion autour de l’écriture inclusive,alors qu’elle est loin de s’y résumer. Il faut garder à l’esprit que le marquage du genre en français apparaît de manière très hétérogène, du fait de la grande complexité grammaticale du genre. La multiplicité des possibilités (typo)graphiques reflète également cette complexité, et explique en partie qu’un marquage unique de l’écriture inclusive n'apparaît pas. »
Julie Abbou, Aron Arnold, Maria Candea, Noémie Marignier. « Qui a peur de l’écriture inclusive? Entre délire eschatologique et peur d’émasculation : Entretien ». Semen, 2018
Ressources
Abbou, Julie. Thèse : L'antisexisme linguistique dans les brochures libertaires : pratiques d'écriture et métadiscours. 2011.
Abbou, Julie. Arnold, Aron. Candea, Maria. Marignier, Noémie. « Qui a peur de l’écriture inclusive? Entre délire eschatologique et peur d’émasculation : Entretien ». Semen - Revue de sémio-linguistique des textes et discours. Presses Universitaires de l’Université de Franche Comté (Pufc). 2018. (Le genre, lieu discursif de l’hétérogène).
Abbou, Julie. « /Unsaying ***/ Peut-on se dédire du genre ? ». GLAD!. 2017.
Abbou, Julie. « La langue est-elle toujours un lieu de lutte féministe? De la contrefaçon sémiotique à la libéralisation ». Recherches féministes [revue interdisciplinaire francophone d’études féministes]. Québec : GREMF. 2019.
Revue numérique GLAD!